La théorie sur les builds orders


Introduction
Le build order est un concept absolument central dans Starcraft 2 et dans les RTS de façon large. Maxilicious (auteur de TerranCraft) distingue la notion de Opening et de Build order.

Opening:les étapes à suivre pour les 4 premières minutes de jeu (early game)

Build order: les étapes menant jusqu’à un premier max out.

Méta: l’ensemble des habitudes de jeu des joueurs de la communauté Starcraft, par match-up. Se définit non seulement par les builds, stratégies et compositions d’armée plus populaires, mais également par la marche à suivre pour tous les scénarios utilisés qui s’établit de façon tacite à travers l’exploration d’un état du jeu donné (une patch de balance, par exemple). Il s’agit un peu d’un ‘’guide de procédures’’ à suivre dans chaque scénario typique.

L’étude et la mémorisation de builds orders est au coeur de l’apprentissage de n’importe quel jeu RTS. 

Un build order, sur papier, ressemble souvent à quelque chose comme ceci:

Build Order
Supply
Temps de progression du jeu
Production

             

Ceci peut sembler assez complexe comme liste, mais dans les faits lorsqu’on comprend l’objectif d’un build order, sa nature et pourquoi il peut être utile dans une certaine “méta”
(méta = l’ensemble des stratégies les plus usités à un moment donné sur le ladder compétitif), sa mémorisation peut devenir très facile, surtout lorsqu’on a déjà mémorisé au moins un premier build order “standard” qui peut nous servir de référence (on va reparler de la définition d’un build “standard”). Ceci implique toutefois que l’on soit, au minimum, familier avec les différentes unités et structures impliquées dans ce build (l’étude des arbres technologiques de chaque race, par exemple, est un pré-requis avant de se lancer dans l’étude de builds spécifiques). Je suggère à quiconque veut se lancer dans l’étude d’un build order ‘’standard’’ (build utilisé par des pros) de commencer plutôt par une version simplifiée de build afin de se donner le temps d’assimiler les mécaniques fondamentales du jeu avant de tenter d’intégrer celui-ci dans sa complexité: voir la section ‘’The Staircase’’ pour joueurs platine et moins plus bas dans ce document.

Un build order complet et exécuté par les mains d’un maître ne sera pas une séquence strictement linéaire, mais gardera toujours la possibilité de bifurquer dans une direction ou dans l’autre en fonction de ce qui est scouté chez l’adversaire, transformant ainsi une séquence linéaire en arbre à plusieurs branches, par exemple: 

Arbre décisionnel que je m’étais constituté pour le matchup TVT en 2016

Être en mesure de catégoriser tout build order est une des premières étapes en vue d’une mémorisation basée sur la compréhension du build  qu’on apprend. En vue de cela, il faut toutefois définir les différentes catégories d’investissement à SC2 (et dans la plupart des RTS, de fait). 
Catégories d’investissement

À SC2, tout investissement de nos ressources peut être fait dans une de trois catégories: Technologie, Armée et Économie. Définissons ensemble ces catégories:

Économie:  Ce qui permettra d’augmenter ses revenus à court ou moyen terme. La liste est courte pour ceci à Starcraft 2: les workers de chaque race et les bases (“town halls”) de chacune (Nexus, Command center ou Hatchery).

Armée:  Les bâtiments produisant les unités (Gateways, Barracks etc.) et les unités elles-mêmes.

Technologie:  Les bâtiments qui donnent accès à de nouveaux types d’unités ou à des upgrades (par exemple pour protoss: Forge, Twilight council, Templar archives, etc.).

**Certains investissements sont à cheval entre deux catégories. C’est à dire qu’elle ne se retrouve pas exclusivement dans une seul catégorie mais plutôt 2 à la fois. Par exemple:
 
  • La prise des vespene gas est à cheval entre technologie et armée, car le gas est à la fois nécessaire pour les upgrades, bâtiments technologiques (dépenses technologiques) mais également pour certaines unités (dépense d’armée).
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  • Les pylônes/supply depots/overlords sont à cheval entre l’armée et l’économie car ils sont nécessaires à la fois pour la production de workers (économie) et des unités de combat (armée).
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  • Le premier bâtiment de production de chaque type, pour protoss et terran, est à cheval entre technologie et armée. Par exemple la première barracks donne “ l’accès “ aux premiers marines, maraudeurs etc. En plus de donner accès aux paliers supérieurs de l’arbre technologique terran (factory dans ce cas-ci, qui donne ensuite accès au spatioport “Starport”, etc). La seconde construite n’ajoute pas à cet accès: elle ne sert qu’à produire davantage des mêmes unités déjà rendues disponibles par la première et donc toutes les barracks subséquentes à la première entrent vraiment dans la catégorie “armée” seulement. C’est la même chose pour la robotics facility du protoss.
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Catégories de builds

Une fois qu’on a compris la notion de catégorie d’investissement, on est désormais équipé pour classifier les builds et openings.

Un build ‘’aggro’’ (agressif): c’est un build où les dépenses vont très tôt essentiellement dans la catégorie ‘’armée’’. On entend de fait peu cette expression car ceci se confond le plus souvent avec un build de type ‘’cheese’’ (plus souvent entendu). Voir plus bas pour la définition du cheese. Classiquement, cette approche est naturellement forte contre un build de type ‘’éco’’ mais faible contre un build de type ‘’turtle’’.

Un build ‘’turtle’’ (défensif): c’est un build ultra défensif sur un petit nombre de bases qui vise le plus souvent à accéder très rapidement à des unités technologiques avancées en vue d’obtenir des échanges extrêmement favorables. Typiquement, l’utilisation de défense statique est de mise dans ce genre d’approche afin de s’acheter du temps jusqu’à atteindre la technologie recherchée. Le streamer Avilo est un exemple de joueur qui utilisait cette approche presque 100% du temps. Classiquement, cette approche est naturellement forte contre un build de type ‘’aggro’’ mais faible contre un build de type ‘’économique’’.

Un build ‘’économique’’ (expansif): c’est un build où l’accent est mis sur la prise rapide d’un très grand nombre de bases. Typiquement, le joueur jouant ce type de jeu va chercher à forcer ou du moins inciter son adversaire à demeurer chez lui (en utilisant des forces de ‘’harrass’’ par exemple) tandis qu’il va lui-même prendre un très grand nombre de base. Classiquement, cette approche est naturellement forte contre un build de type ‘’turtle’’ mais faible contre un build de type ‘’aggro’’.


Un build standard: C’est un build où les dépenses sont toujours équilibrées entre les trois pôles d’investissements - technologie, économie, armée (donc un peu un mélange des trois précédents). C’est également, de façon générale, le type de build le plus usité par les joueurs pros. Apprendre les builds standards est la façon la plus sûre de s’améliorer à Starcraft 2 ou à n’importe quel RTS! Attention: certaines personnes diront de telle ou telle stratégie - ou tel build - qu’il est standard mais ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est qu’il s’agit de quelque chose de très “commun” tout simplement ou qu’il s’agit de qqch de très “méta” (à la mode). Hormis quelques bulles temporelles dans l’histoire du jeu, les builds standards ont presque toujours été les plus utilisés par la scène pro (environ les trois quarts des parties s’articulent autour de builds standards avec légère tendance vers l’un ou l’autre des styles de jeux, du moins jusqu’au mid-game, mais certains joueurs i.e. Maru ou Has optent pour d’autres types de builds plus fréquemment que la moyenne). 



L’avantage d’un build ‘’standard’’ est qu’il est ‘’middle road’’, oui (donc à peu près safe contre tout),  mais surtout qu’il peut à tout moment dévier vers l’une des trois approches mentionnées plus haut - ou bien non en emprunter certains éléments - selon la stratégie adverse qui est scoutée (pourvu que l’on scoute suffisamment, bien sûr!) ou bien selon un plan de jeu pré-établi. Par exemple, comme protoss, même si j’ai l’intention de mettre pleins feux sur l’agression à 7:00, je peux à tout moment retarder mon plan pour ajouter des shield batteries si je vois que mon adversaire est parti sur l’agression avant que la mienne ne sorte, ce qui emprunte un élément d’un build de type ‘’turtle’’ (qui contre un build agressif). Avec un build standard, on a en général plusieurs étapes de scout ou d’agression légère (l’agression pouvant jouer le rôle de scout également) se basant sur des ‘’timings’’ clairs en tête (voir cette notion plus bas), mais à aucun moment on n’arrête de s’expandre, de rechercher de nouvelles technologies, d’ajouter de la production et de faire des unités etc. jusqu’à avoir littéralement la production et l’économie nécessaire pour faire n’importe quelle unité que l’on souhaite (ou du moins un bassin assez large ex: 8-9 unités possibles) et dans la quantité que l’on souhaite, à une très grande vitesse. Il est possible de gagner tous ses matchs avec cette approche et parfois même, des tournois pros! Faire de même uniquement avec des cheese et all-in se produisant tôt dans la partie est plus difficile … bien qu’il soit probablement essentiel d’avoir au moins quelques stratégies de la sorte comme cordes à son arc pour être un joueur complet.

Un build all-in: C’est un build où à un moment donné, par exemple lorsqu’on a atteint un compte de bases et de workers précis (“2 base all-in”), tous les revenus sont uniquement dépensés dans la production d’unités en vue d’attaquer l’adversaire. Si on se fie à la grille précédente, c’est donc une déviation vers un build de type ‘’aggro’’. Le fait de dépenser tous ses revenus dans la production d’unités rime avec l’agression, car on ne veut pas rester chez soit lorsqu’on investit uniquement dans la production d’unités, car autrement notre adversaire va de son côté investir dans son économie et sa technologie et nous dépasser éventuellement.

Un cheese: il n’est pas évident de définir précisément ce qu’est un cheese à Starcraft, mais certains points communs à plusieurs builds dits ‘’cheese’’ ressortent:
  • Un cheese est un build order qui a tendance à bénéficier énormément du fait qu’il n’est pas scouté par l’adversaire (ou pas assez tôt) pour fonctionner. C’est son côté ‘’gamble’’ qui ressort aussi (tendance à donner un résultat tout ou rien). Certains bâtiments clés (par exemple, une dark shrine donnant accès à des dark templars, unités protoss invisibles) seront cachés sur la carte à des endroits vraiment aléatoires pour minimiser les chances que l’adversaire ne les trouvent. S’ils sont trouvé à temps, l’efficacité du cheese peut soudainement tomber de 100% à 0% … mais attention: un bon ‘’cheeser’’ sait reconnaître lorsque sa stratégie ne fonctionnera pas et comment le ‘’recycler’’ de façon efficace! (comment ‘’transitionner’’, voir plus bas). La partie ne s’arrête pas là même si le cheese initial a échoué.
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  • Une bonne quantité de cheeses consistent à dissimuler des bâtiments clés à proximité (‘’proxy’’) de la base adverse pour pouvoir y acheminer rapidement des unités de combat. 
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  • Pour en revenir à notre classification des dépenses dans le jeu, un cheese implique que très tôt dans le jeu (à partir d’une économie d’une seule base par exemple), toutes les ressources seront investies dans les dépenses de type ‘’armée’’, soit de l’armée statiques (exemple: des cannons offensifs pour le protoss) ou des unités de combat.
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  • La ninja base (base cachée sur la carte) peuvent être considérées comme un cheese. Si tu tentes ta chance avec cela mais que ton adversaire la trouve assez tôt, tu seras fort probablement incapable de la défendre car cette base est extrêmement éloignée de ta main base ... donc tu risques d'être hors position si tu cherches à la défendre advenant qu'il attaque également ta main. D'où le côté ''gamble'': super efficace si non scouté à temps, 0% efficace si c'est déniché assez vite! Ça n'est pas le cas des stratégies plus ''standards'' qui, même si scoutées, peuvent en général compter sur une bonne exécution pour permettre au meilleur joueur de l'emporter quoi qu'il advienne (une stratégie standard scoutée perd de son efficacité mais en général pas autant).
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Une notion importante concernant un early-game cheese est le fait que ce genre de stratégie, si utilisée fréquemment par son auteur, a tendance à plonger la partie dans une situation où le ‘’cheeser’’ est plus habitué que sa victime … c’est la raison pour laquelle la personne décidant de jouer le jeu de façon ‘’standard’’ a en général besoin d’être souvent exposé au même type de cheese afin de parvenir à le surpasser et apprendre à le défendre.

Une transition: C’est le fait de sortir d’un jeu “all-in” où tout est investi dans l’armée seulement pour revenir vers des investissements équilibrés entre armée, technologie et économie. Par exemple, si mon “all-in” ne fonctionne pas, je peux arrêter de produire des troupes d'armée et chercher plutôt à m’expandre (économie) et à faire des bâtiments d’upgrades (technologie). Je vais “transitionner” en dehors de mon all-in.

Un timing: beaucoup de joueurs se plaignent de ne jamais savoir quand c’est le temps de sortir avec notre armée. Le concept de ‘’timing’’ est fort utile ici. C’est un moment où une fenêtre d’opportunité s’ouvre à nous, fenêtre nous permettant de potentiellement avoir un échange allant en notre faveur contre notre adversaire ou bien carrément de finir la partie à ce moment là. Quelques exemples:
  • Lorsqu’une amélioration importante (par exemple, +1 d’attaque ou stimpack) vient de terminer alors qu’une amélioration semblable de l’adversaire ne l’est pas (ou probablement pas).
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  • Lorsqu’on sait que notre adversaire est en train d’essayer de prendre une troisième base et n’a pas les moyens nécessaires pour défendre immédiatement 3 bases en même temps.
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  • Lorsqu’on vient d’ajouter un groupe d’unités clés dans notre composition d’armée (par exemple, des spellcasters), pouvant nous donner un avantage par rapport à notre adversaire dans un affrontement direct.
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Un point de convergence: C’est une certaine infrastructure de production permettant de dépenser tous ses revenus sur un compte de bases (ou un compte de workers) donné. Je distingue …
  1. Le point de convergence “all-in” Par exemple, un protoss qui a une économie de deux bases saturées (=44 probes), a en général besoin de 8 gates + 1 robo ou une stargate pour pouvoir dépenser tous ses revenus sur son armée uniquement. 
  2.  
  3. Le point de convergence de transition: si ce même protoss souhaite monter sur 3 bases et continuer d’investir dans de la technologie alors qu’il est sur 2 bases, 5 gates + 1 robo vont lui laisser suffisamment de revenus (après production constante d’unités) pour faire cela et investir dans des bâtiments technologiques (par exemple, forge, robo etc.) et alors il visera un point de convergence ‘’all-in’’ pour 3 bases: 10 gates, 2 robos (ou stargates).
  4.  

L’infrastructure de production nécessaire pour dépenser exactement ses revenus à un moment donné varie légèrement selon la composition. Mais il y a des standards de référence tout de même: 4 bâtiments de production par base, c’est une bonne cible pour terran comme protoss. Pour zerg, les choses se passent un peu autrement car la production se fait à partir du même bâtiment qui fournit à la fois les workers et les unités de combat … c’est quelque chose qui nécessite une étude un peu différente.

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